LE JOURNAL DU CONSERVATEUR

UNE CLOCHE FÊLÉE DU VILLAGE MEUSIEN DE BEHONNE RENDUE À LA VIE

Une cloche historique

Dans le clocher de l’église Saint-Martin à BEHONNE (canton de Vavincourt) se trouvent deux cloches fondues après la Révolution en 1811 par le fondeur Royer. Leur intérêt réside dans leur parfaite homogénéité et l’ancienneté de leurs accessoires : brides en fer plat forgé, jougs, battants d’origine.

La première porte l’inscription suivante : « LAN I8II SOUS LA MAIRIE DU SR ETIENNE ADNOT ET LE SR I BAPTISTE MOREL SON ADIONT F/ IAI ETE BENITE PAR NICOLAS LAURENT CURE DE BEHONNE IAI EU POUR PARAIN LE SR F / PIERRE IEANNIN HUMBLOT ET POUR MARAINE ME MARIE GENEVIEVE GERVAISE EPOUSE DU SR ADNOT F / DE BEHONNE ».

L’inscription de la seconde cloche est ainsi libellée : « LAN I8II SOUS LA MAIRIE DU SR ETIENNE ADNOT ET LE S IEAN BAPTISTE MOREL SON F/ ADIONT IAI ETE BENITE PAR M. NICOLAS LAURENT CURE DE BEHONNNE IAI EU F/ POUR PARAIN LE SR ANTOINE ENCHERIN ET POUR MARAINE ME AGNES THOMASSIN DEF/ BEHONNE ».

Il s’agit des premières cloches qui remplacèrent celles détruites à la Révolution après la réouverture du culte, d’où leur intérêt historique.

Hélas ! l’une des deux cloches, la première, était fêlée et muette depuis plusieurs dizaines d’années.

La fêlure d'une cloche n'est plus un dommage irréparable

Les cloches fêlées ne sont pas irrémédiablement détruites. On sait aujourd’hui leur redonner la vie. La technique consiste à chauffer la cloche à une température légèrement ingérieure au point de fusion du bronze dont elle est faite (600 °C) puis à introduire dans la fêlure un alliage qui, une fois refroidi, redonnera à la cloche son intégrité d’origine, lui permettant à nouveau de sonner.

Toutefois, cette opération dont le principe est simple, reste très délicate à réaliser pratiquement. D’où son prix élevé.

Nous réservons donc ces opérations importantes, subventionnées par l’Etat et le Département, aux seules cloches protégées par la loi c’est-à-dire classées ou inscrites sur l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Une soixantaine de cloches en Meuse sont dans ce cas. La plus ancienne est une cloche de 1505 à Ligny-en-Barrois, la plus récente est le Bourdon de la Victoire de 1927 dans l’Ossuaire de Douaumont (classé il y a sept ans).

La décision est prise de restaurer la cloche fêlée de Behonne

L’intérêt historique de la cloche fêlée de Behonne étant acquis, il restait à la protéger au titre des Monuments historiques, ce qui fût fait en 2001 (arrêté préfectoral d’inscription du 17.12.2001).

Après quoi le parti fût pris de la restaurer.

La technique de restauration

Le Département de la Meuse a été l’un des premiers en France à restaurer une cloche fêlée protégée au titre des Monuments historiques. Ce fut, il y a une douzaine d’années, la cloche de Bulainville près de Nubécourt, cloche de la fin du XVIIe s. Cette cloche fut restaurée par une entreprise allemande, la maison Lachenmayer de Nördlingen, seule apte à l’époque à réparer les cloches brisées. Mais depuis, une entreprise française, la Société BODET a mis elle-même au point un procédé de soudure à chaud, voisin de celui employé par la société allemande.

Les résultats sont souvent spectaculaires :
(voir quelques exemples de restaurations effectuées par l’entreprise BODET).

Pour plus de détails sur le procédé de soudure employé, cliquez ici. Le document décrit les différentes étapes au terme desquelles une cloche, aussi endommagée soit-elle, retrouve un aspect très proche de celui d’origine, ainsi que le son qu’elle avait lorsqu’elle fut fondue.

Comme les cloches montrées en exemple ci-dessus, la cloche de Behonne a été chauffée dans le four des ateliers de Trémentines, près d’Angers en Maine et Loire, à environ 600 degrés, une température proche du point de fusion. Puis un alliage a été versé dans la fêlure. Cette opération est très délicate, mais c’est la seule manière de rendre sa voix à cette cloche historique.

Bénédiction de la cloche et remise en place : une nouvelle vie pour la cloche de Behonne

Cliquez pour agrandir (clichés F. JANVIER)
La cloche est prête pour la bénédiction	Mgr Maupu bénit la cloche

Après plusieurs mois d’absence, le village de Behonne a retrouvé sa cloche.
Il salua solennellement son retour le 22 décembre 2002, au cours d’une cérémonie présidée par Monseigneur MAUPU, évêque de Verdun, qui la bénit en présence de toute la population.
À la fin, chacun fut invité à la faire sonner, à la grande joie des enfants.

Après sa repose dans le clocher, ayant retrouvé sa voix (sol dièse), elle rythme à nouveau, avec sa sœur jumèle elle-même rénovée, la vie du village.

Cliquez pour agrandir l'image et entendre la cloche La cloche a retrouvé son clocher