« Le Squelette »

Statue, pierre de Saint Mihiel, vers 1545,
par Ligier Richier.

BAR-LE-DUC, église Saint-Étienne.

Classé MH le 18.06.1898.


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Le Squelette de Ligier-Richier

(cliché F. JANVIER)

L’église Saint-Étienne de Bar-le-Duc conserve depuis son transfert de la collégiale Saint-Maxe en 1790, un étonnant monument funéraire de René de Chalon, destiné à la sépulture de son cœur : le Squelette, œuvre de Ligier Richier.

Gendre du duc Antoine, René de Chalon, prince d’Orange, mourut le 15 juillet 1544 lors du siège de Saint-Dizier. Selon son vœu, son corps fut transféré dans la sépulture familiale de Breda aux Pays-Bas. Son cœur et ses viscères furent inhumés dans la chapelle aux Princes de la collégiale Saint-Maxe. Une statue fut placée sur le monument adossé à un pilier côté Évangile.

Vandalisé en 1793, le Squelette perdit sa main gauche, restituée en plâtre au début du XIXe siècle. Toutefois, le barisien Claude de Maillet et les lorrains Dom Calmet et Durival ont vu le Squelette « tenant un cœur dans sa main ». Ce monument déplacé en 1790 de l’ancienne collégiale Saint-Maxe dans l’ancienne collégiale Saint-Pierre (aujourd’hui église Saint-Étienne) fut réinstallé en 1810.

Ligier Richier a traduit dans la pierre les versets de JOB (XIX,25sq) : « Mes chairs se sont consumées, ma peau s’est collée sur mes os… mais je crois que mon Rédempteur est vivant et qu’au dernier jour je ressusciterai de la terre ». Le bras levé vers le ciel évoque un emblème de la maison de Lorraine : « un bras armé » avec la devise « Fecit potentiam in bracchio suo ». L’œuvre devient ainsi l’allégorie de la Résurrection : le mort-debout, dans l’attitude du contrappunto, élève son cœur vers le ciel.

La tradition, sans preuve, attribue ce « transi » debout, seul exemple existant dans l’histoire de l’Art, malgré les nombreuses désignations qui le qualifient : Squelette, Desséché, Trépassé, Transi, Écorché, Décharné, La Mort… ou « Charogne dressée » selon l’expression de Simone de Beauvoir, à l’artiste Ligier Richier (1500-1567). Originaire de Saint-Mihiel capitale du Barrois non mouvant, ce sculpteur a travaillé pour la cour ducale de Lorraine et Bar et a produit des œuvres d’inspiration religieuse : Mise au tombeau et Pâmoison de la Vierge à Saint-Mihiel, retable de la Passion du Christ à Hattonchâtel, Crucifixion à l’église Notre-Dame de Bar-le-Duc, Vierge de Pitié à Étain, Christ en croix et les deux larrons à l’église Saint-Étienne de Bar-le-Duc.

Sculptée dans un calcaire à grain fin, l’œuvre est formée de deux pièces principales qui se soudent dans la région des reins. Des lambeaux de chair, enroulés en volutes, pendent aux os ; quelques cheveux adhèrent au crâne ; le thorax laisse apparaître le sternum et les côtes. Si la charpente osseuse semble d’une exactitude anatomique, Ligier Richier a voulu faire de cette œuvre l’emblème de la Résurrection et s’écarte des règles observées de son temps pour les représentations funéraires.

Le Squelette de Ligier-Richier

Le Squelette de Ligier-Richier

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(clichés F. JANVIER)

Le Squelette de Ligier-Richier
Le Squelette de Ligier-Richier

Une délicate restauration (voir l’article paru sur cette opération en sept. 2004), menée de 2000 à 2003 a permis d’améliorer la lisibilité de l’œuvre par un nettoyage de la surface et a résolu le problème des fissures par le remplacement des éléments de fixation en fer par d’autres en acier inoxydable.
Mais la préparation à base de cire qui lui donnait l’apparence du marbre a disparu lors des différents moulages effectués en 1894 par le musée du Trocadéro à Paris et en 1922 pour la tombe de l’écrivain Henri Bataille.

Bernard PRUD’HOMME, Conservateur des AOA délégué, Meuse (55), Lorraine

BIBLIOGRAPHIE :

  • François JANVIER et Bernard PRUD’HOMME, Le Squelette de Ligier Richier, in Trésors de Meuse, pp 90-91, ill. couleur, Éditions Serge Domini, Metz, octobre 2004Paul DENIS, Ligier Richier, l’artiste et son œuvre, Éditions Berger-Levrault, Paris, Nancy, 1911Bernard NOËL et Paulette CHONÉ, Ligier Richier, Éditions Serge Domini, Metz, 2000Charles AIMOND , L’église Saint-Étienne, ancienne collégiale Saint-Pierre de Bar-le-Duc, Bar-le-Duc, 1912PANOFSKY E., Tomb Sculpture, New York, 1964
  • Paulette CHONÉ, Emblèmes et pensée symbolique en Lorraine, Klinksieck, 1991

 



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